Gérer les troubles du comportement alimentaire

Son développement

Le développement du comportement alimentaire

Cet article a été construit en partie d’après le livre
« Troubles du comportement alimentaire de  l’enfant, du nourrisson au pré-adolescent »

M.C. MOUREN, C.DOYEN, M.E. LE HEUZEY, S. COOK-DARZENS (Ed. ELSEVIER MASSON)

Le comportement alimentaire et ses conduites qui le caractérise est inné. Il résulte de l’histoire de chaque personne et il évolue tout au long de sa vie, dès sa conception à la fécondation, ce qui le rend propre à chacun,  car « pour bien manger, il faut bien se développer »

Problématique : Quels sont les moments importants de la vie et les développements qui les caractérisent,  permettant la mise en place du comportement alimentaire?

Pendant la grossesse : tout se met en place potentiellement

La gestation humaine : la mise en place des organes fonctionnels intervenant dans le comportement alimentaire

La gestation commence à la fécondation,  donnant naissance à une cellule-œuf, totipotente. Elle dure, en moyenne,  266 jours, soit environ 9 mois, 9 mois  au cours desquels le comportement alimentaire de l’individu à naître se met en place.

Les deux périodes de la gestation et leurs caractéristiques

• La période embryonnaire 

Elle dure les 8 premières semaines de la grossesse. Elle se caractérise, entre autres, par la multiplication de la cellule-oeuf, sa nidation ou implantation dans la muqueuse utérine (endomètre), 6 jours après la fécondation. Alors que les divisions cellulaires se poursuivent, ont lieu conjointement,  la formation du placenta, la différenciation des cellules, à l’exception de certaines qui deviennent les cellules-souches,  la formation des différents organes ou organogénèse, et l’acquisition de la morphologie (forme externe) humaine ou morphogénèse. La période embryonnaire s’achève lorsque tout a été mis en place et s’observe alors  un petit d’homme en miniature (taille=5cm et poids=30g).

• La période fœtale

Elle dure jusqu’à l’accouchement, soit environ pendant 27-28 semaines (durée variable selon les femmes qui dépend de plusieurs facteurs, génétiques, âge de la mère, durée des grossesses précédentes….). Elle se caractérise surtout par un phénomène de croissance en longueur et en poids, et l’acquisition par les organes de leur fonctionnalité, rendant le foetus viable à partir de 7 mois de grossesse, le dernier mois correspondant à une prise de poids considérable (taille=50cm, poids=3,350kg).

L’alimentation de l’embryon et du fœtus : le rôle du placenta

Le sang maternel, par l’intermédiaire du placenta et du cordon ombilical,  apporte de façon continue les nutriments et le dioxygène nécessaires au métabolisme des cellules du bébé à naître et remporte les déchets issus de celui-ci (CO2 , urée…).

 Embryon et fœtus sont alors totalement passifs, dépendant totalement de la mère pour leur alimentation permettant leur bon développement et croissance.

Les facteurs du développement de l’embryon et du fœtus

Les développements de l’embryon et du fœtus dépendent de multiples facteurs, génétiques et environnementaux, qui sont coordonnés dans le temps et dans l’espace. De nombreuses molécules, synthétisées par l’embryon, puis le fœtus, jouent des rôles primordiaux et complexes.

L’alimentation de la mère et certains de ses comportements sont déterminants pour le bon développement de l’embryon et du fœtus, en agissant sur l’expression des gènes de l’embryon, puis du foetus (consommation de tabac, alcool, drogues, qualité du sommeil, stress….).

L’acquisition de mécanismes fondamentaux pour l’alimentation du futur bébé

Grâce au développement de centres nerveux qui deviennent fonctionnels, s’observent :

  • L’acquisition des notions de faim et de satiété.
  • L’acquisition de la capacité à téter par l’acquisition de la motricité nécessaire à la succion et à la déglutition.
  • L’acquisition de la gustation et de l’olfaction. qui joueront un rôle fondamental dans le comportement alimentaire.
  • L’acquisition d’une mémoire sensorielle et du caractère hédonique de l’alimentation Lorsque les mères ont ingéré des aliments qui ont un certain arôme pendant la grossesse, les bébés manifestent des préférences au contact de ces arômes familiers (mimiques de plaisir).

Pendant la grossesse, le comportement alimentaire de la personne en devenir se met en place progressivement par la maturation du système nerveux central, des muscles, des organes des sens qui deviennent progressivement fonctionnels.

Pendant l’enfance : un développement décisif du comportement alimentaire

Après la naissance, le comportement alimentaire mis en place pendant la gestation évolue au cours du temps, en fonction des possibilités d’alimentation de l’enfant (facteurs biologiques et physiologiques, en particulier le système nerveux central) et des facteurs  environnementaux.

L’allaitement

Après l’accouchement, le bébé n’étant plus relié à sa mère par le placenta, s’il est toujours dépendant de celle-ci  pour l’approvisionnement du seul aliment ingéré, le lait, il devient actif pour les incorporer dans son organisme par la tétée.

La tétée

est un phénomène inné de nature réflexe (inconscient et involontaire). Elle fait intervenir des centres nerveux, situés dans le cerveau, qui commandent la contraction des muscles intervenant dans la succion. La succion permet l’introduction du lait dans la cavité buccale,  suivie de la déglutition, qui permet de propulser le lait dans l’œsophage, avec blocage des voies respiratoires. Ces trois  mécanismes nécessitent une coordination temporelle des muscles mis en jeu.

Les interactions précoces et leurs conséquences

Ayant acquis pendant la vie intra-utérine les notions de faim et de satiété, dès la naissance, le bébé est capable de gérer ses prises alimentaires. Pour cela, il envoie des messages à son entourage, et plus particulièrement à sa mère,  faisant comprendre ses besoins ; la faim est exprimée par des pleurs, la satiété par l’arrêt de la tétée par refus du mamelon ou de la tétine. Lorsque les comportements de la mère répondent pleinement aux besoins du bébé, avec affection et attention,  ce dernier éprouve une sensation de plaisir, entraînant un bien-être. Il intériorise ses ressentis d’où un sentiment de sécurité fiable. L’attachement sécure à la mère, déterminera, chez l’enfant, sa personnalité, son estime de soi, son autonomie,  son ouverture au monde et aux autres, en lui permettant de s’éloigner de la mère pour explorer l’environnement, tout en sachant qu’en cas de besoin, il pourra revenir vers elle.

La nature et la durée de l’allaitement

Les recommandations de l’OMS précise que l’allaitement maternel doit être privilégié, et qu’il soit maternel ou artificiel, il  doit durer au minimum 6 mois. En effet, la nature et la durée de l’allaitement semble influencer le développement ultérieur du comportement alimentaire de l’enfant.

Le sevrage, l’introduction des solides et la diversification des aliments

Une temporalité à respecter

Les recommandations de l’OMS d’un sevrage à 6 mois tiennent compte du développement de l’enfant : capacité de digestion de l’appareil digestif, capacité de mastication.

Dans un premier temps, l’introduction des aliments solides nécessitent que ceux-ci soient cuits, puis réduits en purée. Puis, entre 13 et 18 mois, l’enfant devient capable de manger des morceaux d’aliments d’abord cuits, puis crus. L’autonomie de l’enfant est de plus en plus grande avec l’utilisation de la cuillère, capacité de boire au verre ce qui nécessite un développement de la motricité permettant des mouvements précis et coordonnés.

En même temps, les aliments se diversifient, diversification qui  est facilitée par l’allaitement maternel du fait de l’acquisition d’une mémoire sensorielle hédonique pendant la vie intra-utérine.

La néophobie alimentaire : une difficile étape, mais nécessaire

Devant un nouvel aliment présenté, avant même de l’avoir goûté, le bébé le refuse. Ce comportement est lié à un sentiment de peur et de protection. Il correspond à une volonté d’autonomie, montrant qu’il veut choisir et se nourrir seul. Il est une étape normale du développement du goût et du comportement alimentaire, entre 2 et 10 ans.

Souvent la néophobie alimentaire se manifeste plus particulièrement lors de la phase du non, vers 2 ans, mais elle peut intervenir  plus tard lors de changement de vie, par exemple la scolarisation. Normalement, elle s’atténue avec le temps.

Les proches peuvent aider à la surmonter par leur comportement, en créant un environnement favorable. Pour cela :

  • Expliquer les aliments pour que l’enfant se familiarise avec lui.
  • Faire preuve de patience, en représentant plusieurs fois le même aliment, préparé de la même manière.
  • Être des modèles en mangeant l’aliment, en présence d’autres personnes ce qui montre que l’aliment n’est pas dangereux.
  • Faire des compliments lorsque l’aliment est goûté pour encourager l’enfant dans ses efforts.
  • Ne pas forcer car tout souvenir négatif d’un repas comportant l’aliment entraîne un rejet constant de celui-ci.
  • Ne pas négocier, mettre des conditions, punir.

Le développement du comportement alimentaire de l’enfant dépend de sa sensibilité neurosensorielle et de sa sensibilité à la présence des proches, en lien avec le développement du cerveau qui détermine les affects (émotions, sentiments, humeurs, agréables ou désagréables, qui influencent le comportement) et les relations sociales, ce qui permet l’acquisition de nouvelles compétences en ce qui concerne le comportement alimentaire.

A l’adolescence : avec la puberté, une période délicate où tout est possible

L’adolescence est la période de vie allant de la puberté à l’âge adulte. Ses limites varient selon les personnes, aussi il n’existe pas de limites uniques et précises. Pour l’OMS, l’adolescence se situe entre 10 ans et 19 ans.

La puberté : une période de changements importants.

Apparition et durée

La puberté apparaît en moyenne à  11 ans chez les filles et 12 ans chez les garçons. Cependant elle est très variable d’un individu à l’autre. En effet,  l’âge du début de la puberté dépend de facteurs génétiques, mais aussi de facteurs environnementaux,  comme  la nature de l’alimentation pré- et post-natale qui déterminent l’importance de la masse grasse, pouvant dépendre de préférences alimentaires différentes selon les cultures. La puberté est de plus en plus précoce, sa cause étant plus ou moins connue. Il semble que l’obésité précoce d’une part, et les perturbateurs endocriniens d’autre  part, en soient la cause.

La durée de la puberté varie d’un individu à l’autre.  En moyenne, elle est  de 3 à 4 ans chez les filles, et,  plus longue chez les garçons, environ 6-8 ans.

Des modifications importantes

Sous l’action d’hormones, le corps change énormément :

  • Forte croissance, d’abord en longueur, puis en poids.
  • Développement des caractères sexuels primaires (organes sexuels) devenant fonctionnels, d’où reproduction possible.
  • Apparition des caractères sexuels secondaires, différents entre les hommes et les femmes d’où manifestation d’un corps sexué.
  • Développement du cerveau, en taille, en morphologie, en anatomie, ce qui améliore ses fonctions : motricité, sensorialité, cognition, conduites sociales et morales.
Des conséquences psychologiques variables

Les conséquences de ces modifications corporelles rapides peuvent influencer la personnalité : sensibilité aux émotions, manque de confiance en soi, vulnérabilité au stress d’où   anxiété voire dépression. Ce qui provoque parfois des conduites à risque.

Pour la majorité, l’adolescence ne correspond pas à une période de rupture du comportement alimentaire mis en place pendant l’enfance. Cependant, l’alimentation peut être utilisée pour réguler ses émotions, étant considérée alors comme une conduite à risque.

Pour marquer son autonomie, par opposition aux parents, figures d’attachement, les conduites alimentaires changent : diminution de la consommation de fruits et légumes, absence de petit déjeuner, consommation immodérées de glucides et graisses. Ou bien de nouveaux aliments sont consommés, pour la recherche de nouvelles perceptions.

Pour « faire comme les autres », soumis à la pression des réseaux sociaux, des médias, de la publicité, véhiculant un idéal de minceur, des régimes sont mis en place pour les filles, et un idéal de musculature chez garçons, d’où un régime carné et riche en glucides lents.

Lors de l’adolescence, le comportement alimentaire plus autonome peut être utilisé comme régulateur des émotions, peut conduire à un trouble alimentaire, soit restrictif, soit en excès de la prise alimentaire.