Rôle des parents dans la reprise des liens sociaux de leur enfant qui souffre d’un TCA.
Interview en 2014 de Mme Castellotti , présidente de la Fondation Sandrine Castellotti.
Depuis treize ans, la Fondation Sandrine Castellotti (FSC) vient en aide aux patients souffrant d’un trouble de conduite alimentaire (TCA : anorexie, boulimie, hyperphagie) et leurs proches afin d’amener les patients sur la route de la guérison.
Que peuvent ressentir les parents lorsque leur enfant souffre de troubles du comportement alimentaire (TCA) ?
Fondation S. Castellotti : Les parents éprouvent des sentiments variés : ils sont perdus, « mais qu’est-ce qui nous arrive ? », culpabilisés, « mais qu’est-ce que nous avons pu bien faire de mal pour en arriver là ? », démunis, impuissants, « que devons-nous faire ? », seuls, « à qui en parler, puisque personne ne peut nous comprendre ? » et aussi, « à qui nous adresser, je ne connais rien à tout cela ? ». Devant les conduites destructrices de leur enfant, et incompréhensibles, ils sont assaillis par la peur car il met sa vie en danger. Ils perdent confiance en eux.
Quel rôle peuvent jouer les parents dans le processus de guérison de leur enfant qui permet la reprise des liens sociaux?
Fondation S. Castellotti : Les parents ont un rôle indispensable à jouer dans la reprise des liens sociaux de leur enfant qu’ils doivent accompagner. Pour cela, il leur faut comprendre et accepter le TCA, ce qui permet de comprendre le déni de maladie de leur enfant, même dans les cas les plus graves. Il faut comprendre que l’enfant n’est pas responsable de sa maladie, c’est un comportement d’adaptation à ses souffrances psychiques qui sont à la limite du supportable. Accepter le TCA et le comprendre nécessite de se faire aider.
Les parents culpabilisent parfois à l’idée d’avoir recours à une aide extérieure. Peut-on se dispenser de cette aide et résoudre seuls les problèmes de son enfant et les siens ?
Fondation S. Castellotti : Il est difficile aux parents de comprendre qu’il est indispensable de se faire aider et de se remettre en cause, tout en comprenant que cette démarche n’est aucunement culpabilisante. Elle permet d’avoir un comportement adapté à la nouvelle situation provoquée par la maladie, et ainsi de reprendre confiance en eux jouant pleinement leur rôle de parent. L’aide peut être multiple : par la lecture de livres, par les sites internet, par l’écoute téléphonique et par les groupes de parole parents. Les associations et fondation TCA ont alors un grand rôle à jouer.
L’enfant peut parfois se montrer agressif lorsque ses parents cherchent à lui parler de ses troubles et de leurs préoccupations. Cette agressivité peut susciter la colère des parents (colère qui cache en réalité la peur et leur amour). Faut-il donc éviter les conflits à tout prix ?
Fondation S. Castellotti : Il ne faut pas craindre d’affronter les conflits. Par peur d’aggraver la maladie, de perdre l’affection de leur enfant malade, les parents peuvent avoir tendance à tout accepter, surtout en début de maladie quand les parents sont totalement perdus. Il faut pourtant savoir dire “non”, et créer un cadre solide et sécurisant, avec des règles de vie pour toute la famille. Mettre des limites sans jamais rompre le lien avec l’enfant en communiquant et être à son écoute avec calme. Rassurer permet à l’enfant de reprendre confiance en lui et de s’ouvrir au monde.
Il faut aussi que les parents parviennent à mettre de la distance entre leurs propres ressentis et ceux de leur enfant afin de ne pas le faire culpabiliser, car il se sentirait responsable de leur souffrance.
En cas de tensions et de conflits trop intenses, il est parfois nécessaire de rechercher l’aide d’une tierce personne en ayant recours à la thérapie familiale. La triangulation : soignants, patient, membres de la famille, permet ainsi de sortir du clivage “Tu as raison / Tu as tord”.
Certains parents conçoivent le recours à un psychologue ou à un médecin comme un échec et un aveu de faiblesse par rapport à leur enfant. Qu’en pensez-vous ?
Fondation S. Castellotti : Les parents doivent montrer le chemin et reconnaitre leurs erreurs pour montrer à l’enfant qu’il est humain de se tromper. L’enfant qui souffre de TCA est bien souvent devenu “parfait” pour ne pas décevoir ses parents, a tel point qu’il/elle oublie ce qu’il/elle était. Ce cercle vicieux est involontairement entretenu par les parents, par leurs compliments et leurs encouragements. Aller chercher de l’aide, c’est accepter de montrer que personne ne peut être parfait et que l’enfant n’a pas à s’efforcer de l’être non plus.
Que conseillez-vous aux parents d’enfant qui souffre de TCA pour qu’il reprennent une vie sociale?
Fondation S. Castellotti : Les parents qui ont repris confiance en eux et qui mettent en pratique de nouveaux comportements adaptés sont devenus des parents ressources. La confiance mutuelle s’installe et leur enfant peut maintenant s’ouvrir au monde.
Le processus de guérison pour les personnes souffrant de TCA peut s’avérer très long. Faut-il parfois
« pousser » l’enfant ?
Fondation S. Castellotti : Pendant le processus de guérison, les parents doivent aider à faire, mais surtout PAS “faire à la place”. L’enfant doit acquérir son autonomie. Les parents doivent respecter l’évolution graduelle de l’enfant. Il ne faut pas le pousser trop vite dans son insertion sociale (études, travail…) car cela se conclurait par un échec. Il faut respecter l’évolution psychique de son enfant. Les parents doivent accepter de ne pas tout contrôler et laisser la liberté à l’enfant de trouver son propre chemin.